Noir piqueté de rouge

C’est minuscule – un à trois millimètres de diamètre – c’est rouge-orange à orange vif et ça pousse sur les places à feu.

Ces trois indices nous permettent immédiatement de nous orienter vers de petits champignons Ascomycètes : Les Anthracobia (du grec anthrax : charbon, et bios : vie).

Sous la loupe binoculaire, c’est pulviné (en petit coussin), ou orbiculaire (en disque charnu), ou cupuliforme lorsque que c’est légèrement creusé.

Ensuite, il faut prélever une infime partie du champignon et la placer sous le microscope, dans une goutte de bleu coton lactique par exemple. De gros cylindres allongés et incolores se dessinent (les asques) ; ils contiennent huit spores elliptiques (16-18 x 8-9 microns), à paroi épaisse et dotées de deux guttules. Quand on parvient à voir la base d’un asque, on s’aperçoit qu’elle ressemble à une trompe d’éléphant – ce qui nous ramène un peu sur terre et dans nos dimensions. D’autres cylindres plus souples et minces, à tête ampulacée, à granulations orange (les paraphyses), s’entortillent comme des vers autour des asques.

Notre lilliputien champignon : Anthracobia macrocystis (Cooke) Boudier, allume ses ponctuations de braise sur le noir profond d’une place à feu, dans un recoin du Parc Hidien de la ville de Châteauroux.

Notons que cette détermination – à minuscule échelle et de minuscule intérêt – n’eût été possible sans un cheminement scientifique.

(26 mars 2020)

La Laîche japonaise

Il serait temps que les horticulteurs et les jardineries fissent la différence entre les graminées et les carex, et que ces plantes fussent dûment nommées – d’autant plus qu’elles ont le vent en poupe, qu’elles jouissent désormais d’une place de choix dans les compositions florales des villes et des villages, des ronds-points, des parcs, et même dans les jardins des particuliers.

Profitons de cet engouement pour un brin de botanique.

Toutes les plantes qui ressemblent à de l’herbe participent de trois familles différentes :

– Les Graminées ou Poacées se caractéristiques par leur tige creuse renflée au niveau des nœuds (le chaume), et par leurs feuilles à gaine fendue insérées sur deux rangs. L’élément de base est l’épillet, comportant une ou plusieurs fleurs hermaphrodites, situées à l’aisselle de petites écailles : les glumes et glumelles. Le fruit est un caryopse.

– Les Cypéracées se singularisent par leur tige pleine le plus souvent trigone, et leurs feuilles à gaine non fendue disposées sur trois rangs ; les fleurs sont axillées par une seule écaille. Chez les Carex – le genre le plus riche en espèces, à fleurs unisexuées – les fleurs femelles mûrissent dans une petite outre : l’utricule. Le fruit est un akène.

– Les Joncacées, qui regroupent les joncs et les luzules, bénéficient d’une formule florale complète, c’est-à-dire avec pétales et sépales. Le fruit est une capsule.

Notre Laîche japonaise : Carex oshimensis Evergreen, est originaire d’Oshima – la plus grande des îles de l’archipel d’Izu, coiffée d’un volcan en activité entouré d’un désert noir. Elle apporte une touche de légèreté et d’exotisme dans les bacs fleuris, rouges et jaunes, dans le prolongement de la Médiathèque de Châteauroux, rue de la République.

Éléments descriptifs :

Utricules à long bec

Écailles femelles à long mucron scabre (plus long que l’écaille)

Idem pour l’écaille mâle

Présence d’épis bisexués

(19 mars 2020)

Un curieux organisme

Ce sont les Myxomycètes : littéralement champignons muqueux, qui, par leur mobilité, aidèrent les champignons à sortir du règne végétal, en 1969. En guise de remerciement, les Myxomycètes furent eux-mêmes foutus à la porte du règne fungique : on leur reprochait de ne pas être constitués de cellules mycéliennes, comme les champignons, et de s’adonner à un comportement amiboïde : à l’état de plasmode, ils phagocytent leur nourriture, essentiellement végétale.

Ils participent dorénavant du règne des Protozoa.

Mais pour la promeneuse et le promeneur, les Myxomycètes sont surtout source d’étonnement, de curiosité, de mystère. Quels sont ces amas mous, souvent spumeux, ou pulvérulents, dans lesquels le doigt s’enfonce comme dans un édredon de chair, ou écrase et éparpille une poussière colorée ?

En allant plus loin, sous la loupe binoculaire, c’est un monde merveilleux qui s’ouvre à nous, de montgolfières, de ballons de baudruche, de boules de Noël, de bilboquets, de bouquets de pinceaux, de brosses, de petits pains dorés, de barbe à papa, de sphères sablées de cristaux ou filigranées de dentelles, flottant à l’extrémité d’un long pied filamenteux.

Un mycologue, Maurice Chassain, contribua amplement à faire connaître ces mystérieux organismes en France dans les années 80, notamment grâce à une conférence qu’il avait intitulée : Escale au bord d’un rêve.

Notre Myxomycète : Reticularia lycoperdon Bulliard, est assez fréquent. Sa masse molle et pulvinée est drapée de soie gris perle touché de jaune. Il prospère sur la souche d’un Pin maritime, autour de l’Étang de Bellebouche, en Brenne.

(12 mars 2020)

Le Champignon-nid de guêpe

De temps à autre, il n’est pas interdit de franchir les portes du Berry, et de partir à l’aventure découvrir quelque champignon exotique.

Ce fut le cas avec l’Inonotus du tamaris,1 observé à Saint-Jean-de-Luz, ou avec la Tchaga2 et Pycnoporellus fulgens3, tous deux découverts sur des îles du Lac de Vassivière, en Limousin… et ce sera le cas aujourd’hui avec un petit polypore de toute beauté, unique en son genre par la précision hexagonale de ses pores – qui le fait aussi ressembler à un nid de guêpe.

Cette particularité géométrique lui valut son nom générique : Hexagonia, et la brillance brun datte de son chapeau son épithète nitida.

Le mycologue André Marchand4 nous dit que rencontrer ce rarissime polypore procède d’une double volupté : le doigt court sur la surface du chapeau lisse et brillant comme du bois encaustiqué, pendant que l’œil se plait à suivre le dessin régulier des pores hexagonaux.

Le Polypore-nid de guêpe : Hexagonia nitida Durieu & Montagne, d’affinité méridionale, est inféodé aux chênes du Midi tels le Chêne vert, le Chêne liège, le Chêne chevelu, et le Chêne pubescent – ce dernier se rencontrant dans les parties chaudes et calcaires du Berry.

Le polypore de la chronique, Yvan eut la joie de le découvrir et de le photographier en Corse.

(5 mars 2020)

1Inonotus tamaricis : voir L’Écho du Berry du 9 juin 2016.

2Inonotus obliquus (la Tchaga) : voir L’Écho du Berry du 23 avril 2015.

3Pycnoporellus fulgens : voir L’Écho du Berry du 5 septembre 2019.

4André Marchand signale la présence de ce polypore dans la sud de la France, mais aussi en Vendée, sur le littoral atlantique, où il atteint sa zone de répartition la plus septentrionale.

Le nid douillet d’un chardon

Les chardons au sens large : chardons vrais, cirses, onopordons… sont souvent des plantes laineuses*, duveteuses, cotonneuses, soyeuses, aranéeuses, argentées… à l’état de plantule ou dans la maturité.

Profitons-en pour considérer ces adjectifs dans leur acception botanique, et leurs nuances :

– laineux : revêtu de poils longs, grossiers, entremêlés et frisés

– duveteux : couvert de poils courts, denses et mous, qui rappellent le duvet

– cotonneux : à poils blanchâtres, doux au toucher, qui évoquent le coton

– soyeux ou séricé : brillant et finement rayé, comme l’est la soie en écheveau

– aranéeux ou arachnoïde : à poils fins, mous et entrecroisés, qui suggèrent une toile d’araignée.

Notre Cirse commun : Cirsium vulgare (Savi) Tenore, aux feuilles épanouies à terre en rosace, au cœur tendrement turgescent, attire notre œil par sa suavité duveteuse, mais que le doigt ne s’y aventure pas ! Les fins aiguillons jaunâtres qui se cachent dans le feutrage le meurtriraient impitoyablement.

À maturité, ce cirse perd totalement son tissage aranéeux et sort ses griffes acérées à l’air libre.

Certains chardons conservent leur toison toute leur vie, le plus spectaculaire étant Cirsium eriophorum, littéralement Cirse porteur de laine.

(27 février 2020)

*Le feutrage chez les plantes est considéré comme une adaptation à la sécheresse, les poils enchevêtrés limitant la déperdition en eau.