Rutilane rose-orange

Les myxomycètes, on les garde à côté des champignons, bien qu’ils soient sortis du règne fungique1 depuis longtemps. Ce sont en quelque sorte des pseudochampignonspseudo étant un maître-mot chez ces curieux organismes.

Tel qu’on le voit sur la photo, tel qu’il nous sauta aux yeux dans la grisaille sombre du sous-bois, rouge vermillon suintant de rose, il nous apparut comme la grumeleuse ponte de quelque chimérique batracien. Il est ainsi sous sa forme de plasmode. À cette étape de son cycle extrêmement complexe, il est visqueux et coloré, et émet des pseudopodes qui lui permettent de ramper telle une amibe et d’ingérer par phagocytose les bactéries dont il se nourrit. Conjointement à sa forme plasmodiale joyeuse, il apparaît sur son support – un tronc de pin pourrissant – sous l’aspect de petits coussins de tubes bruns et iridescents2 (pseudoaethaliums).

Ce myxomycète : Tubulifera arachnoidea Jacquin, fut découvert et déterminé par Véronique Bouchaud, lors d’une sortie mycologique de l’AMI, dans la ripisylve de Châteaubrun.

(22 octobre 2020)

1Les myxomycètes participent désormais des Protoza… Jusqu’aux prochaines avancées phylogénétiques.

2Iridescent : à reflets irisés, aux couleurs de l’arc-en-ciel.

Un champignon-rosace

Si l’on devait dessiner ce champignon, nommé Podoscypha multizonata (Berkeley & Broome) Patouillard, on commencerait par esquisser une large coupe (scypha), fixée sur une sorte de gros pied (podos), court et radicant. Cette coupe, on la remplirait de lobes concrescents1, épais, coriaces-élastiques, disposés selon des cercles concentriques, de façon à former une rosace.

Sur les ondulations intérieures de cette rosace, par zones concentriques (multizonata), on apporterait des touches de couleur, claires, saturées ou sombres, en alternance : rosâtre, orange vif, grisâtre, brun-rouge, brun pâle, brun foncé…

L’hyménium de notre champignon – constitué par les lobes fertiles orientés vers l’extérieur – arbore une surface lisse et pâle. Il est tapissé de spores elliptiques, lisses et hyalines2, dotées d’une grosse guttule huileuse.

Ce champignon précoce est rare en France. Il affectionne les habitats ouverts plantés de feuillus. Celui de la photo croît sous un chêne, dans une clairière des bois de Saint-Maur.

(15octobre 2020)

1Concrescent : du latin cum : avec, et crescere : croître. Se dit d’organes intimement soudés entre eux.

2Hyalin : du grec hyalos : transparent, translucide.

Moisissures de rêve

Allongez-vous sur le dos et regardez le plafond qui est moisi. Il y a des archipels, des îles, des espèces de continents extraordinaires, des mers grisâtres, dans lesquels on peut jouer le jeu du voyage immobile.

Jean Giono, Entretiens avec Jean et Taos Amrouche, 1952

Le Bolet blanchâtre ou Bolet radicant* : Caloboletus radicans (Persoon : Fries) Vizzini, nous l’avons déjà évoqué dans L’Écho du Berry du 26 septembre 2019. Il est le champion de la sécheresse. Il émerge de la terre avant tous les autres, dans une atmosphère totalement dépourvue d’humidité et sur un sol dur comme du béton.

Il n’a pas échappé à la règle cette année.

Mais est advenu un phénomène nouveau, qui l’a métamorphosé. Les pluies abondantes qui sont tombées alors qu’il était encore sur pied, desséché comme une momie, l’ont couvert de somptueuses moisissures : velouté vert sombre et flocons blancs sur le chapeau, bleu azur et jaune sulfurin sur le pied. Chaque bolet est une œuvre d’art aux déclinaisons infinies.

Ce spectacle mirifique nous rappelle que les champignons que nous récoltons ont pour dessein d’être envahis par d’autres champignons, des moisissures en particulier. Ils deviennent alors toxiques, même s’il s’agit d’espèces comestibles. L’Oronge en est un exemple édifiant : délicieuse jeune et fraîche, elle s’altère très rapidement sous l’assaut des moisissures.

(8 octob

*Le Bolet radicant a une allure de cèpe. Mais ce n’est pas un cèpe. Son chapeau est blanchâtre, puis café au lait et brunâtre pâle. Ses pores sont jaunes à l’origine, et bleuissent au toucher. Sa chair jaune pâle bleuit à l’air. Il est toxique, mais de toute façon immangeable de par sa forte amertume.

Miracle rose et blanc

Comme le désert après la pluie se couvre miraculeusement de fleurs, certains sous-bois automnaux du Berry s’allument de rose et de blanc à la floraison soudaine des cyclamens sauvages. Leur teinte de chair et de porcelaine est d’une pureté que rien ne brouille, pas même le vert des feuilles qui n’apparaîtra que bien plus tard après l’extinction des fleurs.

Ces deux caractéristiques : floraison automnale et fleurs apparaissant avant les feuilles, permettent à notre Cyclamen à feuilles de lierre, appelé également Cyclamen de Naples : Cyclamen hederifolium Aiton, de se démarquer des espèces voisines1.

La séduction de cette fleur réside aussi dans la beauté de son nom (du grec kyklos : cercle), dans le mystère et à la poésie immanents aux cercles, enroulements, spirales et circonvolutions.

L’interprétation étymologique la plus courante de son nom est la suivante : les longs pédoncules floraux sont enroulés avant et après la floraison. Mais d’autres cercles rôdent et se profilent dans la plante : les feuilles pétiolées en cœur (puis ovales-anguleuses), les gros tubercules évoquant d’épaisses galettes, le calice en cloche, le fruit globuleux, et le tube de la corolle en couronne d’où s’élèvent, à la verticale, cinq pétales réfléchis2.

(1er octobre 2020)

1Seul le Cyclamen à feuilles de lierre est mentionné en Berry.

Cyclamen purpurascens a des fleurs qui apparaissent en même temps que les feuilles.

Cyclamen repandum et Cyclamen balearicum sont des plantes méditerranéennes, de floraison vernale.

2Réfléchi : brusquement replié dans une direction opposée au sens initial.

Les sorbiers (suite)

Résumons les principaux caractères distinctifs des cinq sorbiers que l’on peut rencontrer en Berry.

Le Cormier : Sorbus domestica, donne des fruits en forme de petite poire et présente des feuilles découpées en folioles, un peu comme celles des frênes.

L’Alisier torminal : Sorbus torminalis, se charge de grappes de fruits ronds et bruns, et ses feuilles évoquent peu ou prou celles de certains érables. Seuls ces deux sorbiers ont des fruits qui sont comestibles crus pour les humains.

L’Alisier blanc : Sorbus aria, s’orne de baies rouges et se fait remarquer par ses feuilles entières, blanc argenté sur la face inférieure.

Le Sorbier à larges feuilles : Sorbus latifolia, ressemble au précédent, mais ses feuilles, grisâtres en dessous, sont plus arrondies et tronquées à la base.

Le Sorbier des oiseleurs : Sorbus acuparia Linné (celui de la photo), se pare de bouquets de fruits denses et écarlates, et ses feuilles sont découpées en folioles. C’est justement la rutilance de ses fruits qui fut mise à profit par les oiseleurs pour piéger les grives, les merles et autres passereaux, notamment à la glu (acuparia signifie attrape-oiseaux). Fort heureusement, comme nous l’annonce L’Écho du Berry du 3 septembre, dans sa page Environnement, la chasse à la glu vient d’être interdite en France.

Le Sorbier des oiseleurs, d’affinité montagnarde, aime la pluie et les sols acides. On le rencontre çà et là en Creuse, ainsi que dans les jardins et les parcs où il est introduit comme arbre ornemental.

(24 septembre 2020)