Un petit champignon indécis

Son chapeau creusé en ombilic profond et longtemps mamelonné découvre des lames densément fourchues. Il oscille entre le violacé et le gris obscur, le gris argent et le beige grisâtre. Son pied concolore miroite de subtiles nuances carnées, pendant que ses lames crème se parent de lueurs rosâtres, et que sa chair pâle incline au rosissement. Entre les teintes crème, grises, violâtres, roses… l’incertitude règne.

Notre champignon : Cantharellula umbonata (Gmelin : Fries) Singer, emprunta son nom à la Girolle – qui elle-même puisa son nom dans un ustensile antique de la vie quotidienne : cantharus : coupe à anse. Et c’est à son mamelon ou umbo persistant qu’il doit son qualificatif umbonata.

Il répond à des exigences écologiques draconiennes : il ne s’épanouit que sur les sols acides à bruyères – d’où son nom d’adoption de Fausse-chanterelle des bruyères, et il se pourrait même qu’il soit inféodé à ces mousses vert foncé que sont les Polytric.

Notre Cantharellule umbonée, non comestible, fait miroiter ses jeux de couleurs dans la forêt de Vouzeron.

(24 novembre 2022)

Celle qui fut dédiée à Roze

Cette élégante et discrète espèce, la Rozite ridée, se singularise par trois caractères ostentatoires qui la rendent reconnaissable entre toutes : son chapeau entièrement ridé-cannelé, la pruine blanche qui le recouvre, et l’anneau membraneux haut placé sur son pied. Cette pruine est si douce et avenante et le mot qui la nomme si suave qu’ils invitent à s’y arrêter. Le mycologue Marcel Josserand définit cette pruine comme un subtil effet de poudroiement et préconise d’employer l’adjectif pruineux dans son sens rigoureux : recouvert de pruine, c’est-à-dire présentant un effet de poudroiement irrésoluble à l’œil et même à la loupe – écartant ainsi les mots poudré et farineux qui induisent des grains très fins certes, mais résolubles, distincts les uns des autres.

La Rozite ridée fut dédiée au botaniste et mycologue français Ernest Henri Roze (1833-1900). Elle a maintenant regagné l’immense genre des cortinaires, sous le nom de Cortinarius caperatus (Persoon : Fries) Fries. Elle se plaît particulièrement sous les hêtres, autour de l’Étang de Berthommiers, en forêt de Châteauroux.

La Rozite ridée est un délicieux comestible… pour celles et ceux qui ont le privilège de bien la connaître.

(17 novembre 2022)

L’Agaric auguste

Deux magnifiques champignons, par leur nom, font référence à des empereurs romains : la succulente Amanite des Césars, l’Oronge – que les empereurs achetaient au prix de l’or – et un rosé, l’Agaric auguste : Agaricus augustusFries, non point pour sa chair, lui, mais pour sa prestance et son chapeau jaune d’or semé de squames rousses ou mordorées. Ce jaune d’or, issu d’un lent processus de jaunissement, s’accentue et se sature avec l’âge.

Les lames ne sont jamais d’un rose franc, elles arborent un rose grisâtre pâle qui évolue vers le brun noirâtre. Le pied est spectaculairement orné d’un ample anneau membraneux et floconneux en dessous qui se détache et tombe comme une jupe.

Ces farouches rosés sont tapis comme de grands fauves, au pied d’un érable, sur un petit rond-point resserré entre la rue Jean-Jacques Rousseau et le rond-point Deschizeaux, qui donne sur l’avenue des Marins, à Châteauroux.

Ce rosé est désormais référencé comme toxique, à cause de probables substances cancérigènes dans sa chair.

(10 novembre 2022)

Chères russules bicolores

Tenons-nous en aux seules russules, ces champignons si faciles à situer dans leur genre, de par leur silhouette régulière qui s’inscrit dans un cube, leur chair grenue qui se casse comme un bâton de craie, et leurs couleurs souvent vives et joyeuses, rouges ou jaunes… faciles à placer dans leur genre, certes, mais quel casse-tête en ce qui concerne la détermination des espèces, eu égard à la pléiade de russules ressemblantes, de sosies doux et âcres. Certains mycologues ayant fait le vœu de pénétrer le secret de ce monde diabolique furent atteints d’une étrange maladie psychologique : la russulose.

C’est pour cela que, lorsqu’un mycologue entrevoit un caractère simple et fiable, non versatile, il s’en empare à pleines mains et l’utilise avec ostentation. Tel est le cas du bicolorisme, qui est l’apanage de la Russule ocre et blanche, de la Russule brune et violette, de la Russule rouge et blanche, ou de notre Russule pourpre et noire : Russula atropurpurea ((Kromblolz) Britzelmayr, brillante, rouge pourpre autour d’un centre noir. Mais attention, le noir se décolore en plaques jaunâtres, pendant que le pourpre glisse vers le violet…

La Russule pourpre et noire, non comestible, est abondante autour de l’Étang Duris, sur la commune de Luant.