Psathyrella multipedata

Certains champignons poussent en solitaire, d’autres en groupe, et d’autres encore en touffe – c’est-à-dire soudés entre eux à leur base.

Il existe trois termes pour qualifier cette troisième catégorie. Passons-les en revue et essayons d’en appréhender les nuances qui fondent leurs différences.

Fasciculés (du latin fascis : faisceau) qualifie des champignons dont les pieds restent étroitement serrés à partir de leur point d’insertion.

Cespiteux (du latin cæspes : touffe) s’applique à des champignons en touffe plus importante, en amas lâche et aéré.

Connés (du latin cum : avec, et natus : né) désigne des touffes de trois, quatre ou cinq individus.

Métaphoriquement, des champignons fasciculés esquissent un balai de sorcière tourné vers le haut, des champignons cespiteux une tête densément chevelue-frisée, et des champignons connés des frères siamois triplés, quadruplés ou quintuplés.

Dans quelle catégorie se situe notre Psathyrelle à pieds multiples : Psathyrella multipedata (Peck) Smith ? Incontestablement dans celle des champignons fasciculés.

Elle se démarque des espèces voisines par sa croissance dans l’herbe (et non sur les bois), par son tronc commun souterrain, et au microscope par ses cystides en bouteille à gros ventre, à contenu jaunâtre virant en vert à l’ammoniaque.

Dans une clairière des bois de Saint-Maur, sans discontinuer depuis l’automne se succèdent et cohabitent toutes les générations de touffes de Psathyrella multipedata : brun fauve à gris-brun dans la jeunesse, noires dans la vétusté.

Le gîte et le couvert

Tous les mycologues le savent : les tas de feuilles, en automne et en hiver, sont des lieux de prédilection pour certains champignons. Ils y trouvent tout le confort souhaité, la chaleur et la nourriture, tant et si bien qu’ils se paient le luxe de déroger à l’aspect classique qui leur est imparti, de sortir des chemins battus de la modération.

Ils prennent des libertés de taille (gigantisme), et de forme, en se gonflant, se déformant, ondulant et débordant jusqu’à ressembler à des êtres tératologiques créés par la fantaisie de la nature.

Parmi ces champignons amis des tas de feuilles citons le Pied bleu, le Clitocybe nébuleux, le Clitocybe flaccide, le Cortinaire d’Europe, la Mycène rose… et notre Collybie beurrée : Rhodocollybia butyracea* (Bulliard : Fries) Lennox

Elle ondule comme une méduse, luit somptueusement de ses teintes brun fauve et brun noir, et l’on peut dire que son nom lui sied à merveille : en effet, quand on passe le doigt sur son chapeau et sur son pied, on a vraiment l’impression de toucher du beurre.

(16 janvier 2020)

*Ni toxique ni comestible, la Collybie beurrée est simplement à contempler… et à laisser sur son tas de feuilles.

La Mycène rose

Parmi l’univers immense et complexe des mycènes – elles occupent à elles seules une monographie italienne de 800 pages – la Mycène rose en est une des plus courantes et faciles à reconnaître. Par son rose limpide et translucide, parfois touché de teintes vineuses, elle génère une émotion esthétique pure. Par ailleurs sa prestance, inhabituelle au sein de cette pléiade de petites espèces, son odeur prononcée de radis et son habitat de prédilection : la hêtraie calcaire, parachèvent son identification immédiate.

La Mycène rose : Mycena rosea Gamberg, était autrefois considérée comme une variété de la Mycène pure dont le chapeau, typiquement grisâtre bleuté à violacé, se décline en beige rosâtre, brun violâtre, jaunâtre, blanchâtre…

Profitons de cette facilité de détermination – une fois n’est pas coutume – pour dire combien cette mycène est le symbole de la cause féministe, de la grammaire inclusive en mycologie. Bien que féminin en latin, le mot Mycena fut abusivement traduit par mycène au masculin, et colporté ainsi par des générations de mycologues, qui ont encore maintenant bien du mal à se défaire de cette fâcheuse habitude. Et pourtant, ne suffit-il pas de contempler une Mycène rose dans sa grâce délicate… pour être convaincu de sa féminité ?

(9 janvier 2020)

La Mycène lactescente

Les mycènes sont de petites espèces graciles qui se faufilent à travers les mailles climatiques de l’automne jusqu’au cœur de l’hiver. Pluies abondantes, humidité prégnante, petites gelées, redoux… tout leur convient pour exhiber leur grâce, leur apparente fragilité, leur diaphanéité aqueuse. Elles sont les perles de rosée de l’année 2020.

La Mycène lactescente variété blanche : Mycena galopus var. candida Lange, est un superlatif de blancheur – par son blanc immaculé et le lait qui suinte de son pied à la blessure. Outre ces caractéristiques, elle se reconnaît par l’abondant feutrage laineux qui enrobe la base de son pied.

L’espèce type, quant à elle, est gris-brun, et la variété leucogala noirâtre. Mais que l’on passe du blanc pur au noir, que l’on décline toutes les nuances de brun-gris, de gris brunâtre, notre petite mycène ne se départit jamais de sa translucide fraîcheur.

Comme beaucoup de mycènes, elle dégage une odeur de radis. Profitons-en pour noter que l’odeur d’un champignon n’est nullement proportionnelle à sa taille ni à sa stature. Nombreuses sont les petites espèces qui sentent très fort. Par exemple, en sus des odeurs prononcées de radis, les relents d’eau de Javel sont monnaie courante chez de nombreuses mycènes.

(2janvier 2020)