Top model

Découvrir cette superbe amanite procure une émotion fort éloignée des sensations habituelles de mollesse, d’informe et d’humidité que suscitent nombre de champignons. Elle suggère une antique et gigantesque statue de pierre blanche, veillant sur quelque temple disparu.

Mais on peut aussi la comparer à une athlète, grande et robuste, à l’équilibre des formes atteignant à la perfection. Le chapeau hémisphérique, d’une pureté géométrique sans faille, blanc ou couleur coquille d’œuf, brillant et satiné, festonné à la marge de lambeaux crémeux, contrebalance le mouvement de la jambe galbée, chaussée d’une large et épaisse volve blanchâtre, ornée d’un ample anneau floconneux, qui encrème immédiatement le doigt de celle ou celui qui le touche.

La crème omniprésente chez notre Amanite ovoïde : Amanita ovoidea (Bulliard) Link, va jusqu’à se nicher sur l’arête des lames.

Seule ombre au tableau de cette fulgurante beauté : elle dégage une odeur de marée, qui vire rapidement aux relents de fromage… et elle n’est pas comestible.

Sous l’effet conjugué de la chaleur et des pluies abondantes de ces derniers temps, en avance sur l’automne, elle jaillit de terre çà et là dans les bois calcaires de Saint-Maur.

(29 juillet 2021)

Diaboliques russules

Rien n’est plus facile que de reconnaître une russule. Elle s’inscrit grosso modo dans un cube, et sa chair sans lait est grenue : le pied se casse comme un bâton de craie.

Mais une fois ce diagnostic établi, c’est une autre paire de manches car, à part les russules communes et faciles à déterminer – telles les Russules vieux rose, charbonnières, verdoyantes, jolie, belette, dorées, noircissantes, de fiel, ocre et blanche, fragiles, sardoniques… à part celles qui poussent dans un milieu particulier et que l’on a déterminées avec précision un jour, et que l’on revisite chaque année… ou à part le fait de s’imposer la discipline rigoureuse de ne jamais interrompre l’étude des russules, même quand elles ne sont plus là…

Oui, à part tout cela, il faut toujours repartir à zéro et se soumettre aux fastidieuses clés dichotomiques : douce ou âcre, à lames pâles ou jaunes, à chapeau blanchâtre, vert, violet, rouge, jaune ou versicolore, à odeur de compote de pommes, de topinambours, de crustacés, de pélargonium, d’amande amère, de coco, de crayon de papier, de cornichon… ?… sans oublier toutes les réactions chimiques et la microscopie !

Notre Russule rouge et blanche : Russula rubroalba (Singer) Romagnesi, appartient à le seconde catégorie. Je l’avais observée en août 2014 sur la chaussée d’un étang vellois, lors d’un épisode de pluies diluviennes comparable à celui de ce mois de juillet. Elle participe de ce feu d’artifice de russules qui jaillit partout autour de nous.

(22 juillet 2021)