Les champignons aussi, rougissent.

L’attitude de Zira me prouva qu’elle, au moins, était fortement ébranlée. Elle me regarda avec une intensité singulière et son museau blanc se teinta de rose, ce qui je l’appris plus tard, est un signe d’émoi chez les chimpanzés.

Pierre Boulle, La Planète des singes

Pierre Boulle nous l’apprend : le rougissement (d’émoi) n’est pas l’apanage des humains. Il touche aussi les chimpanzés. Et en allant plus loin, on peut se laisser glisser sur la pente rêveuse des champignons qui rougissent. Ils sont nombreux et souvent signalés par les épithètes rubescens, erubescens, purpurascens. Tel est le cas des rosés de la section Sanguinolenta, de l’Amanite rougissante, du mythique et très toxique Inocybe de Patouillard, ou encore de notre Tramète rougissante : Dædaleopsis confragosa (Bolton) Schröter.

Notre polypore, beige brunâtre plâtreux dans la jeunesse, rougit à partir de la base, jusqu’à offrir un chapeau entièrement envahi de rouge pourpre ou de rouge grenat.

La Tramète rougissante est très fréquente en Berry, notamment sur les saules, dans les saulaies fermées.

(23 mars 2023)

La Tramète bénéolente

C’est inimaginable le nombre de champignons qui sentent l’anis ! Comme si, nostalgiques du règne végétal auquel ils n’appartiennent plus, ils cherchaient à maintenir un fil ténu et immatériel avec les plantes.

L’odeur d’anis figure en bonne place parmi les fragrances, les bénéolences de poires, de pêches, d’abricots, de mandarines, de compote de pommes, de confiture de mirabelles, de fleurs d’oranger, de pélargonium, de jasmin, de violette, de rose, de lavande, de fleurs fanées de sureau… attribuées à nombre de champignons.

La Tramète à odeur suave : Trametes suaveolens (Linné) Fries, participe des quelque quarante espèces au parfum anisé.

C’est un polypore rare, qui développe ses consoles généralement solitaires sur les vieux saules. Son chapeau est blanc plâtreux, velouté-hispide ; sa chair est blanche – molle et subéreuse à l’état frais, dure et légère sur le sec. Ses pores, bien visibles à l’œil nu, passent du blanc immaculé à l’ochracé rosâtre.

Cette Tramète anisée colonise, çà et là, les antiques saules têtards dans les marais de Bourges.

(16 mars 2023)

La mignonne des mignonnes : la Drave printanière

La mignonne des mignonnes : la Drave printanière

Elle est si petite et si discrète qu’il convient de s’agenouiller et de scruter longuement, attentivement le sol pour l’apercevoir. Elle ne dépasse guère deux-trois centimètres de hauteur et se faufile entre les herbes. De sa rosette de feuilles lancéolées, elle lance ses capillaires hampes, vertes ou pourpres, qui oscillent en leur extrémité sous le leste d’une grappe de minuscules fleurs blanches à pétales bifides. Elle est sans conteste la plus mignonne des Crucifères, et l’une des plus précoces car, malgré son nom de Drave printanière : Draba verna Linné, elle fleurit dès le mois de janvier.

Une petite plante si délicate ne peut, est-on en droit de penser, que fleurir dans un endroit de rêve, dans un nid de verdure ou au creuset d’un talus. Eh bien non ! Il n’en est rien ! Pionnière, elle porte son dévolu sur les gazons urbains, les tonsures des pelouses, les friches ouvertes, les ballasts, les vieux murs, les bernes graveleuses, les bacs à fleurs en désuétude.

La drave printanière se laisse se laisse admirer sur les pelouses de la Cité Administrative, à Châteauroux.

(9 mars 2023)

La ronce et le champignon

Les branchettes, les brindilles, les rameaux, les ramilles, les fines tiges… accueillent et nourrissent de nombreux et variés petits champignons, qui la plupart du temps passent inaperçus.

Tel est le cas du Stereum des ramilles : Stereum ochraceoflavum (Schweinitz) Saccardo.

La manière dont ce champignon s’installe sur les rameaux est caractéristique. Ses petits chapeaux, d’abord cyphelloïdes (en dépression à contour arrondi), s’étalent, se rejoignent, deviennent confluents, se mélangent et se confondent. Enfin, ils se déploient largement sur leur support, lui donnent des ailes, et se réfléchissent vers la marge en s’enroulant légèrement sur eux-mêmes : ils sont alors étalés-réfléchis selon l’expression des mycologues.

Les petits chapeaux sont finement peignés de poils soyeux argentés, pendant que la partie fertile, en dessous, diffuse une douce teinte ocre jaunâtre pâle touchée de grisâtre.

Notre Stereum des ramilles, indifférent aux aiguillons, a porté son dévolu sur une ronce.

(2 mars 2023)