Psathyrella candolleana

Lychnis flos-cuculi, Spirea filipendula, Russula amœnicolor, Cortinarius elegantissimus, Lactarius semisanguifluus, Amanita lividopallescens, Hebeloma crustuliniforme, Psathyrella candolleana

Que de mots magnifiques, à sonorité mouillée, que j’aime à faire chanter comme les trilles et roulades liquides du rossignol !

Notre Psathyrelle de Candolle : Psathyrella candolleana (Fries : Fries) Maire, d’une grâce inouïe, mince et délicate à souhait, fut dédiée en 1818 au botaniste Augustin-Pyramus de Candolle, par le père de la mycologie : Elias Magnus Fries.

Sa vénusté est le fruit d’une subtile harmonie, d’un souple mouvement de danse entre son chapeau menu, ochracé dérivant vers le blanchâtre satiné, ses lames gris violeté s’enténébrant de pourpre noirâtre, et sa jambe blanc pur, élastique et acrobatique.

Elle est une des psathyrelles les plus communes, apparaissant du début du printemps à la fin de l’automne. Comme toutes ses congénères, elle est fragile (psathûros en grec – à l’origine du rarissime nom français psathyre), et montre une sporée brun violacé à brun pourpre noirâtre. Non comestible, son destin est de rester dans la nature et d’écouter les trilles et roulades liquides des mycophiles.

(27 mai 2021)

Botanique numismatique

La Monnaie-du-pape en est un édifiant exemple. Elle s’appelle aussi Herbe-aux-écus, Monnoyère, Médaille-de-Judas, Dollar plant

Ses fruits plats et arrondis, blanchâtres-blafards en fin d’été, évoquent aussi la lune quand elle est pleine, ce qui valut à notre plante de s’appeler Lunaire annuelle : Lunaria annua Linné. Le mot anglais Moonpennies opère la synthèse de ces deux métaphores.

D’autres plantes, suggérant peu ou prou des pièces de monnaie, voient cette caractéristique inscrite dans leur nom. Citons la Bourse-à-pasteur, une autre Crucifère, dont les siliques (les fruits), ne ressemblent pas directement à des pièces de monnaie, mais à de petits porte-monnaies fort plats… les bergers n’étant pas réputés pour être riches. Faisons également allusion à la rampante Lysimaque nummulaire (du latin nummus : pièce de monnaie), dont les feuilles sont rondes et luisantes comme des pièces semées au sol. Évoquons enfin les Collybies, ces champignons au chapeau rond et mince… comme de petites pièces de monnaie ( kollubos en grec).

La Monnaie-du-pape en fleur ressemble beaucoup à la Julienne-des-Dames. Mais chez cette dernière, les feuilles sont ovales-aiguës (non en cœur) et les siliques grêles et ascendantes.

La Monnaie-du-pape est une échappée des jardins… et pas seulement des jardins du Vatican.

(20 mai 2021)

Des arbres et des fleurs

Les arbres sont des fleurs. Les herbes sont des fleurs. Et toutes les fleurs sont aussi des fleurs. Mais les mousses, les algues et les fougères ne sont pas des fleurs.

Pour être fleur, il faut porter une matrice femelle : un gynécée ou pistil, et (ou) un organe mâle : l’androcée, constitué par l’ensemble des étamines. Les pétales et sépales sont facultatifs, ils ne sont là que pour la beauté et la séduction.

Certaines plantes portent leurs fleurs femelles et les fleurs mâles sur des pieds différents. Elles sont dioïques (du grec di : deux, et oikos : habitat). Mais la plupart d’entre elles sont monoïques. Soit le plus souvent avec des fleurs toutes semblables, à la fois mâles et femelles, soit avec des fleurs femelles et des fleurs mâles séparées, mais sur le même pied, et d’aspect différent.

Tel est le cas de notre Chêne pédonculé : Quercus robur Linné, dont les fleurs mâles vert-jaune, en chapelets de chatons lâches et pendants, apparaissent avant les feuilles. Les fleurs femelles, quant à elles, se logent à l’extrémité de pédoncules dressés-obliques, et ne sont repérables que par la minuscule étoile rouge foncé formée par les trois stigmates.

Les jeunes feuilles sont souvent teintées de rouge par les anthocyanes qui les protègent du rayonnement ultraviolet.

Entre le Chêne pédonculé et le Chêne sessile, la différence est mnémotechnique :

– Le Chêne pédonculé donne des glands en pipe (le fruit + le pédoncule), et ses feuilles sont sessiles (sans pétiole).

– Le Chêne sessile produit des glands sans pédoncule, mais ses feuilles sont pétiolées.

(13 mai 2021)

La Laîche à silhouette aiguë

La Laîche à silhouette aiguë : Carex acutiformis Ehrhart, comme nous l’avons mentionné la semaine dernière, fut sûrement nommée ainsi afin de la distinguer de sa presque sosie, la Laîche des rives : Carex riparia, plus robuste et trapue.

Mais cette distinction ne touche que l’apparence première, l’aspect macroscopique en quelque sorte, car lorsque nous nous insinuons dans l’intimité de ces deux plantes, à la loupe, nous nous apercevons que les choses s’inversent. Ainsi, la Laîche des rives est-elle plus fine et aiguë au niveau de son écaille mâle et de son utricule que la Laîche à silhouette aiguë, dont l’écaille mâle est obtuse et l’utricule rondelet.

Livrons-nous à une petite digression sur les mots aigu et obtus au figuré, sur une antinomie que j’ai toujours ressentie comme une insatisfaction sémantique, une opposition inachevée et méritant d’être reconsidérée.

Un esprit aigu, nous le savons, est un esprit fin, intelligent, pointu comme un angle aigu. Mais pourquoi un esprit obtus se voudrait-il résolument stupide, borné, bouché, fermé ? Pourquoi ne serait-il pas, à l’instar d’un angle obtus, vastement ouvert sur le monde, curieux… intelligent ?

La Laîche à silhouette aiguë se laisse volontiers admirer aux Planches, sur la commune de Saint-Maur, dans la prairie de Déols, le long de la Creuse à Saint-Gaultier, en Brenne, dans les marais de Bourges…

(6 mai 2021)

La Laîche aiguë

Deux grands carex portent le qualificatif d’aigu : Carex acuta Linné (celui de la photo) et Carex acutiformis Ehrhart (du latin acutus : aigu, pointu au sens propre, mais s’appliquant aussi au son, à la voix, au regard, et à l’intelligence… quand elle se montre perspicace et pénétrante).

La racine latine acut est abondamment utilisée dans les sciences de la nature pour former une quantité de mots. Pour rester dans le domaine de la botanique, citons acuté : muni d’aiguillons, acutiflore : à pétales aigus, acutifolié : à feuilles terminées en pointe aiguë.

En quoi nos deux grandes laîches induisirent-elles une sensation d’acutesse chez les botanistes qui les nommèrent ?

À n’en point douter, Linné fut séduit par la sveltesse, l’élégance et la grâce de la Laîche aiguë, par ses épis femelles et ses épis mâles fins et élancés, qui fusent entre les feuilles aiguës et les tiges trigones. Présumons que chez Ehrhart, ce fut le souci de distinguer la Laîche à silhouette aiguë de sa presque sosie la Laîche des rives (Carex riparia), beaucoup plus robuste et trapue.

Quatre grands carex, très présents en Berry, sont proches :

Carex acuta et Carex elata ont des fleurs à deux stigmates ; le premier croît en nappe et possède une bractée inférieure plus longue que l’inflorescence, le second pousse en touradon et montre une bractée courte. Carex acutiformis et Carex riparia arborent trois stigmates, bien visibles en ce début de floraison.

(29 avril 2021)