Une éclatante laîche

Peut-on être pâle et brillant en même temps ? Être blême, sans éclat, tout en étant étincelant ?

C’est à cet insoluble dilemme auquel nous sommes confrontés quand nous découvrons notre petit carex, chatoyant de tous ses verts tendres et lumineux, et que l’on entend conjointement prononcer son nom latin : Carex pallescens Linné, unanimement traduit par Laîche pâle.

Ses utricules dodus sont si scintillants, si lustrés, si glabres et si lisses, sans la moindre aspérité que, si l’on devait grimper sur l’un d’eux devenu géant, on glisserait comme sur un piton glacé sans rien pour se retenir.

Voilà donc encore une plante fort mal nommée, taxée de pâleur alors qu’elle est toute miroitante. On pourrait la rebaptiser… par exemple Laîche nitescente.

En sus de sa brillance, elle arbore une élégance naturelle, avec ses feuilles qui montent comme des flammes, ses tiges florifères sveltes qui se résolvent en une sorte d’œillet, formé de deux ou trois épis femelles, aux utricules sans bec, à trois stigmates, d’où point un épi mâle fusiforme, l’ensemble étant prolongé par une bractée aiguë.

Elle pousse de concert, le long de la route forestière de Clavières, avec la Laîche basse (Carex demissa), la Laîche divergente (Carex divulsa), la Laîche glauque (Carex flacca), la Laîche hérissée (Carex hirta), la Laîche patte de lièvre (Carex leporina), la Laîche millet (Carex panicea), la Laîche à épis espacés (Carex remota), et la Laîche des bois (Carex sylvatica). Neuf adorables petites laîches… véritable trésor en forêt de Châteauroux.

(25 juin 2020)

La Laîche basse

– Approche, tends l’oreille… chut… écoute…

– Ah non ! Pas de messes basses… dis tout haut ce que tu as à dire : tu fais partie d’un groupe de petits carex dans lequel une poule n’y retrouverait pas ses poussins.

Il est vrai que vous avez quelque chose de mignon, de replet et de picotant en même temps, avec votre épi mâle brun pâle, émergeant du nid de deux ou trois épis femelles, presque ronds, ornés d’utricules au long bec qui apparaissent comme des cils à contre-soleil.

Mais quel casse-tête chinois !

Pourtant, je te suis depuis de longues années, dans tes repaires de la forêt de Châteauroux, le long de la route forestière de Clavières, où tu partages ton habitat, dans un mouchoir de poche, avec huit autres petits carex. Je te croise aussi autour de l’Étang de Bellebouche, de l’Étang Mouton, et en bien d’autres endroits de Brenne, pourvu que le sol soit frais et tourbeux, neutre ou acide.

Tu te nommes Carex demissa Hartman, parce que ta touffe de feuilles et de tiges florifères est basse, affaissée vers la terre. Tes épis femelles – dont l’inférieur se tient en général au milieu de la hampe – sont sertis d’utricules à bec droit, ou réfléchi vers la base.

Malgré ces caractéristiques, les botanistes s’arrachent les cheveux à chaque fois qu’ils ont à te différencier de tes sosies : la Laîche jaunâtre, la Laîche verdâtre et la Laîche à jolis fruits.

(18 juin 2020)

La Laîche millet

L’émotion esthétique qui nous saisit à la vue de la Laîche millet résulte de la convergence de deux caractères : la bichromie de l’épi femelle et l’agencement lâche de ses utricules.

Considérons d’abord cette lâcheté, au sens propre et botanique du terme : les utricules ne sont pas serrés entre eux, ils sont lâches et cette distanciation s’accentue à la maturité. De surcroît, ils sont replets et ressemblent alors à de grosses perles décollées les unes des autres.

Par ailleurs, les épis femelles nous apparaissent panachés de deux couleurs : vert et brun pourpre dans la jeunesse, blanc-jaune et brun rougeâtre foncé à maturité. Mais dans le détail, les jeux de couleurs sont beaucoup plus subtils : utricule vert tendre, vert-jaune, avec des bandes vert foncé, légèrement envahi de rose, d’ocre, contrastant avec l’écaille brun chocolat rougeâtre à nervure médiane verte dans la jeunesse ; utricule jaune paille, blanc-jaune, jaune doré, tranchant avec l’écaille brun foncé à nervure blanchâtre à maturité.

La Laîche millet : Carex panicea Linné, doit son épithète spécifique à ses utricules qui évoquent, par leur forme et leur couleur, les épillets rondelets, lâches et dorés du Millet : Panicum miliaceum.

Elle participe des neuf carex qui croissent dans un mouchoir de poche en forêt de Châteauroux, le long de la route forestière de Clavières, en direction de l’Étang de Berthommiers.

(11 juin 2020)

La Pholiote du peuplier

Gratifiant… est le mot qui nous vient à l’esprit, lorsque nous songeons à ce champignon… et même plus : gratitude. En effet, nous ressentons de la gratitude envers la Pholiote du peuplier, pour l’excellence de sa chair, certes, mais aussi et surtout parce que malgré ses facéties d’aspect et de couleurs, elle demeure reconnaissable entre toutes. Devant une touffe de ces pholiotes, infailliblement, s’allume une flamme dans notre regard : Mais oui, c’est bien toi, je te connais et reconnais… tu es la Pholiote du peuplier !

Dans la prime jeunesse et par temps humide, ses petits chapeaux serrés les uns contre les autres ressemblent à des marrons d’Inde. Au fur et à mesure qu’ils grandissent et s’aplanissent, ils s’imprègnent de beige blanchâtre à partir de la marge, tout en conservant un centre brun qui s’édulcore peu à peu, jusqu’à devenir uniformément pâle avec l’âge. Ces étapes peuvent coexister sur une même touffe, se prolonger ou être éphémères.

À ces variations de teintes, s’ajoutent des fluctuations d’aspect : les chapeaux peuvent être lisses ou ridés, et se craqueler.

L’anneau membraneux situé haut sur le pied et les lames beiges, qui évoluent vers un brun grisâtre terne, typique du genre, corrobore la gratifiante identification de la Pholiote du peuplier, appelée maintenant Cyclocybe cylindracea (de Candolle) Vizzini & Angelini.

Elle pousse en touffes du printemps à l’automne, sur les peupliers vivants ou morts, plus rarement sur les saules. C’est un délicat comestible.

(4 juin 2020)