Colliers de perles rouges

Le Tamier de fin d’été sème ses colliers de gros fruits rouges dans les haies.

C’est comme si un insecte, après sa volubilité vernale, la brillance verte de ses ailes, ses antennes tirebouchonnées en minuscules asperges… avait déposé ses gros œufs vermillon dans la mue de ses ailes desséchées. C’est une métamorphose !

Ces opulentes perles, rondes ou ovales, d’un rouge qui vivifie les haies, fouette le sang d’une nature exsangue, pèsent de toute leur densité suave, font ployer les entrelacs de végétation jaunâtre et desséchée. Cette lénifiante densité nous pénètre, oscille doucement en nous et nous rappelle peut-être le plus ancien et le plus pur des bien-être, celui de la tétée sous le sein maternel.

Le Tamier : Dioscorea communis (Linné) Caddick & Wilkin, présente de nombreuse affinités avec une autre plante volubile omniprésente dans les haies berrichonnes : la Bryone dioïque… bien que celle-ci soit très différente d’aspect et sur le plan botanique.

Toutes deux sont dioïques, affichent de discrètes petites fleurs verdâtres ou jaune verdâtre, des fruits rouges (mais ceux de la Bryone sont plus petits, mats et rouge foncé), et une souche épaisse en guise de racine, qui ressemble à un navet chez la Bryone et à un radis noir chez le Tamier.

Toutes deux sont des plantes très toxiques. La Bryone se nomme aussi Navet du Diable, et le Tamier Raisin du Diable.

(23 septembre 2021)

La Baldellie rampante

Cette délicate petite fleur blanc rosâtre veinée de bleu-rose doit son joli nom générique à Bartolini Baldelli – à qui elle fut dédiée – ministre du Grand Duché de Toscane au 19ème siècle.

Elle participe des plantes aquatiques proches du Plantain d’eau : Alisma plantago-aquatica.

Ses fleurs, et surtout ses akènes regroupés en tête globuleuse évoquent les renoncules.

Deux Baldellies voisines (appelées aussi flûteaux), souvent confondues, se rencontrent en Brenne, et là, un peu d’arithmétique est nécessaire pour les différencier.

Celle photographiée au bord de l’Étang de Bellebouche : Baldellia repens (Lamarck) Lawalrée subsp. cavanillesii (Molina) Talavera, arbore une inflorescence en verticille* de 2 à 6 fleurs, et ses akènes (une vingtaine) sont dotés d’une papille blanchâtre bien visible à la loupe ; ses tiges fructifères couchées émettent des racines adventives. Elle affectionne les pelouses amphibies acides.

La Baldellie fausse renoncule : Baldellia ranunculoides, présente des verticilles de 6 à 20 fleurs et ses akènes, au nombre de 20 à 45 par tête, ne sont pas papilleux ; ses tiges florifères sont dressées. Elle se plaît dans prairies amphibies calcaires ou marneuses, dans les étangs en assec.

Toutes deux sont de petits joyaux de la Brenne.

(16 septembre 2021)

*Verticille : ensemble d’organes (ici les fleurs) disposés en cercle, à un même niveau sur la tige.

Quand les polypores transpirent (suite)

L’Inonotus hispide transpire abondamment lui aussi en cette fin d’été. De grosses gouttes jaunes en suspension perlent au plafond de sa face fertile – gouttes qui creusent de profonds cratères en séchant.

Ce polypore : Inonotus hispidus (Bulliard) Karsten, est par ailleurs spectaculaire par ses consoles de grande taille, qui vivent leur éphémère jeunesse dans un luxe de teintes chaudes évoquant le pain d’épices, avant de basculer dans le brun rougeâtre puis de se momifier dans un noir profond, sans perdre un poil de leur toison hirsute.

Les consoles carbonisées restent sur leur arbre tout l’hiver, sur le tronc d’un poirier, d’un pommier, d’un frêne, ou à la cime des platanes où elles cohabitent avec les corvidés. Elles finissent par s’effriter et tomber, mais le mycélium pérennant demeure dans l’arbre.

Il est un autre polypore courant que l’on peut croiser en ce moment, çà et là dans les bois, sur les conifères, les hêtres et les bouleaux, et qui transpire copieusement de grosses gouttes transparentes comme l’eau. Il s’agit de l’Unguline marginée : Fomitopsis pinicola, qui s’habille de somptueuses couleurs acajou.

(9 septembre 2021)

Quand les polypores transpirent

De nombreux polypores, à la période de leur intense et tumultueux développement, pleurent.

Ou si l’on préfère une métaphore plus proche de l’immense énergie qu’ils dépensent à ce moment-là, ils transpirent, ils suent à grosses gouttes. Ils exsudent un suc aqueux ou coloré, particulièrement abondant au niveau des pores et de la marge – là où l’activité sporifère et la croissance sont les plus ardentes.

Cette exsudation (du latin sudare : suer) est intense mais de courte durée ; les gouttes s’évaporent sans laisser de trace ou creusent de petites fossettes d’exsudat colorées, qui créent une ornementation bien visible.

Tel est le cas de notre Oreille de chêne : Pseudoinonotus dryadeus (Persoon) Wagner & Fischer, qui transpire de grosses gouttes ambrées puis brunes, lesquelles forment de petits cratères noirs en séchant.

La rencontre avec ce polypore estival, massif, bosselé, pesant, parfois gigantesque, transpirant, pleurant sur un tronc ou sur une souche de chêne, est toujours un événement extraordinaire. Ainsi en est-il de cet exemplaire sur une souche de chêne à Bellebouche, à l’entrée du restaurant de la plage, extravagante curiosité capturant le regard effaré des passants.


(2 septembre 2021)

La Volvaire soyeuse

Ce champignon rare et protégé possède deux attributs de choix : un chapeau pelucheux-soyeux, brillant de mèches argentées ou jaune citrin, et une volve membraneuse épaisse, blanchâtre ou ocre orangé, qui chausse haut le pied.

À ces caractéristiques génératrices de beauté et d’harmonie, nous pouvons y adjoindre la niche écologique de prédilection de cette volvaire : les souches creuses tapissées de bois en décomposition et de sciure, ou les anfractuosités profondes, souvent en hauteur, dans divers feuillus vivants. Bref de véritables nids douillets, spécialement aménagés pour ces êtres de qualité.

La Volvaire soyeuse : Volvaria bombycina (Schæffer : Fries) Singer, j’avais coutume de l’observer chaque été dans le creux d’un tilleul, malheureusement disparu aujourd’hui, sur la petite place de Tendu. Celle de la photo, de ce mois d’août 2021, est lovée dans la tête creuse d’un tilleul vellois, bien à l’abri dans l’obscurité et protégée par un entrelacs de jeunes rameaux et de feuilles.

Henri Romagnesi relate une pittoresque histoire concernant cette volvaire, qui déboucha sur une superstition – si fréquente chez les champignons. Elle se situe dans l’état de Michigan, en Amérique, en 1916 – année pendant laquelle les membres d’une famille furent mortellement intoxiqués par Amanite phalloïde. L’année suivante, des volvaires soyeuses apparurent dans l’anfractuosité de l’érable planté dans le jardin de cette famille. Les voisins crurent à des revenants, à des fantômes, et tout le pays appela ce champignon ghost mushroom.

(26 août 2021)