Passe-muraille : la Pézize du cèdre

Si vous empruntez la venelle qui relie la rue de la République (près de la médiathèque) à la rue Jean-Jacques Rousseau, à Châteauroux… oui, si vous engagez vos pas dans cette sente – véritable petit conservatoire botanique – ralentissez votre marche, dardez le sol de vos regards attentifs. Vous y verrez un étrange champignon, mimétique à la terre caillouteuse grise et beige, mi-enterrée, mi-émergeant du sol. Il s’agit de la Pézize du cèdre, d’une fidélité absolue, car elle apparaît chaque année en mars-avril, quasi exclusivement sous les cèdres (parfois sous les ifs) ; elle naît dans la terre sous forme de sphère – d’où son nom oxymorique et archéologique de Sepultaria sumneriana (Cooke) Massee – s’exhume en soulevant la terre et s’épanouit en étoile. L’intérieur de la sphère est beige grisâtre ochracé, lisse et bosselé, pendant que l’extérieur montre un feutrage de longs poils bruns et souples.

La Pézize du cèdre… oui… Mais où est le cèdre ?

Il est de l’autre côté du mur, dans un petit jardin. Par ses racines rayonnantes, qui passent sous le mur, il entretient un rapport symbiotique avec la Pézize du cèdre.

La Pézize du cèdre peut être observée en ce moment sous la plupart des cèdres des parcs et des villes.

(24 mars 2022)

Quand la nature fait son art

La nature est souveraine dans la création de son propre Land Art – cet art contemporain de plein-air, qui consiste à utiliser des matériaux naturels pour créer des œuvres exposées aux éléments et soumises à l’érosion du temps, jusqu’à leur disparition, et où seule alors la photo ou la vidéo en garde le souvenir.

Et la nature, comme à l’accoutumée, se montre infiniment et perpétuellement imaginative et inventive quand il s’agit de créativité, d’esthétique et d’harmonie. Sa surprenante beauté est partout autour de nous, pour qui sait porter sur elle un regard attentif et attentionné.

Ainsi en est-il de ces paysages-écrins de joncs secs et bruns en bordure d’étang, qui jouent avec le bleu délavé du ciel et dont les tiges fusent vers le haut, à l’oblique, à l’horizontale, se croisent et s’entrecroisent, et entrent dans une dialectique ligne-rondeur avec les glomérules de fleurs.

Les faisceaux floraux, déjetés sur le côté des tiges, s’éparpillent en une effusion de fleurs diffuses… ce qui valut à notre jonc d’être baptisé du joli nom de Jonc diffusJuncus effusus Linné.

Le Jonc diffus est le plus commun et abondant des joncs en Brenne, où il constitue des joncheraies et des ceintures d’étangs.

(17 mars 2022)

Botanique paysagère

Qui, le long de la petite route qui file des Chaumes vers les Gabettes, à Velles… Oui, qui remarquerait – ou tout simplement verrait – cette bande blanche qui s’étire parallèlement entre le noir du bitume et le vert tendre des herbes fraîches ? Et qui, plus perspicacement, pourrait expliquer ce phénomène, et mettre un nom sur ce ruban blanc d’herbes sèches et dressées… sinon le botaniste qui connaît cette graminée invasive originaire d’Inde : Sporobolus indicus (Linné) Brown ?

Il faut dire que le botaniste l’avait déjà repérée à la fin de l’été, quand elle formait une étroite bande vert sombre, resserrée entre l’asphalte et les graminées autochtones beiges et sèches en cette saison. Elle était alors peignée en brosse de ses inflorescences en épis allongés et compressés contre le chaume, tels des fouets fins et rigides.

N’est-ce pas tout simplement gratifiant : la connaissance permet non seulement d’apporter une explication, de mettre un nom sur cet élément insolite du paysage, mais aussi tout bonnement de le remarquer, de le voir ?

La connaissance du Sporobole d’Inde ouvre à une lecture fine du paysage.

(10 mars 2022)

Les frères siamois de l’Étang de Berthommiers

Les frères siamois de l’Étang de Berthommiers

Les frères siamois… cette appellation fut donnée aux frères jumeaux Chang et Eng Bunker (1811-1874), qui naquirent soudés entre eux, dans le Siam – ancien nom de la Thaïlande.

Si la tératologie humaine et animale, heurtant à juste titre notre sensibilité, a disparu grâce aux progrès de la science, il n’en est pas de même de la tératologie végétale, qui au contraire nous émerveille esthétiquement, est pratiquée en horticulture et constitue un pan entier de la botanique.

À cet égard, à titre d’exemple, la Société d’Histoire Naturelle du Pays de Montbéliard publie chaque année, dans son copieux bulletin, une rubrique Tératologie (du grec teratos : monstre), où il est question de galles, de loupes, de balais de sorcière, de fasciations, de furcations, de fleurs cléistogames (qui s’autofécondent sans s’ouvrir)… et autres fascinantes anomalies végétales.

Comment ce hêtre et ce chêne furent-ils soudés ensemble, grandirent-ils ensemble comme des frères siamois ?

Peut-être fut-ce l’œuvre d’un geai espiègle, Grand Disséminateur, qui déposa un gland au pied du petit hêtre naissant ?

Ces frères siamois sont visibles autour de l’Étang de Berthommiers, en partant du parking vers la droite.

(3 mars 2022)