Un champignon phare

À la fin de l’été, certains champignons se comportent en éclaireurs. Non point comme des scouts qui partent repérer un emplacement où y installer leur camp, mais comme des créatures phares, hautement éclairantes, lumineuses… et dont le destin est de rappeler aux amoureuses et aux amoureux des champignons que la saison est proche, que leur venue est imminente.

Le Polypore soufré : Lætiporus sulphureus (Bulliard : Fries) Murill, en est l’exemple le plus spectaculaire. Le nom générique de ce champignon, issu du latin lætus : gai, témoigne de la joyeuseté de sa couleur.

Ses chapeaux en éventail, imbriqués, étagés en hautes touffes opulentes sur les troncs, parfois en panoplies monumentales, jaune sulfurin à nuance rose orangé, sont si flamboyants et éclatants qu’on les aperçoit de très loin.

Ce polypore apparaît, grossit, enfle à une vitesse phénoménale. Il est un redoutable parasite des blessures des arbres – surtout des feuillus – provoquant une pourriture brun-rouge qui attaque le bois en son cœur.

La splendeur jaune de ce champignon est éphémère : elle vire rapidement au blanc crayeux, pendant que les chapeaux s’effritent.

(15 septembre 2022)

Le syndrome blanc et le syndrome jaune

Le syndrome blanc et le syndrome jaune

Avez-vous déjà entendu parler de ces syndromes spécifiques aux ombellifères ?

Les ombellifères blanches sont volontiers dans une séduction extravertie : généralement voyantes, opulentes, fragrantes, dotées de pétales larges et étalées, elles représentent de véritables insectodromes pour de nombreux insectes, notamment pour les Hyménoptères (abeilles, bourdons, guêpes…).

La plupart des ombellifères jaunes, à l’inverse, sont dans des séductions plus discrètes : peu voyantes, développant souvent de petits pétales recourbés en cuiller, exhalant des odeurs louches… elles attirent plutôt les mouches !

Le Panais cultivé : Pastinaca sativa Linné – retourné à la vie sauvage depuis la nuit des temps – présente en effet des ombelles de petites fleurs jaunes très enroulées, lesquelles attirent davantage les mouches et les coléoptères que les abeilles.

Le Panais de la photo correspond à la sous-espèce sativa, aux tiges anguleuses, aux ombelles très inégales et à la floraison décalée.

Le Panais cultivé, présent le long des routes du Berry, forme des faciès jaune vif à jaune roux à la fin de l’été.

(8 septembre 2022)

De l’ombrelle à l’ombelle

Les ombelles ne font pas d’ombre, mais de l’ombe : c’est plus doux.

Le soleil les attire et le vent les balance. Leur tige est longue et sans raideur. Mais elles tiennent bien en place et sont fidèles à leurs talus.

Comme d’une broderie à la main, l’on ne peut dire que leurs fleurs soient tout à fait blanches, mais elles les portent aussi haut et les étalent aussi largement que le permet la grâce de leur tige.

Il en résulte vers le 15 août, une décoration des bords de routes, sans beaucoup de couleurs, à tout petits motifs, d’une coquetterie discrète et minutieuse, qui se fait remarquer des femmes.
Il en résulte aussi de minuscules chardons, car elles n’oublient aucunement leur devoir.

Francis Ponge, Pièces, Les ombelles

Mais l’ombre est si douce qu’elle pût garder son r. Et curieusement, les ombelles ressemblent à des ombrelles.

De la broderie pas tout à fait blanche, certes, mais jaunâtre, aussi, telles sont les ombellifères.

Les minuscules chardons évoqués par Francis Ponge sont ici les akènes elliptiques, parcourus de côtes dorsales, bordés d’une aile étroite.

Le Peucédan des cerfs : Cervaria rivini Gaertner, sème sa dentelle blanche le long des routes de la commune de Saint-Maur.